Manufacturing

Qu'est-ce qui rend le secteur manufacturier du Québec si performant ?

Bien que l'industrie manufacturière soit un secteur perturbateur pour certaines régions d'Amérique du Nord, le Québec a généralement pu résister à la tempête grâce à sa diversification industrielle, à la force de ses syndicats et à son développement économique axé sur les petites entreprises.

Par Elsa Souchet | 28 oct. 2021

Qu'est-ce qui rend le secteur manufacturier du Québec si performant ?

Dans le monde entier, l'industrie manufacturière est l'un des secteurs qui a le plus souffert des changements perturbateurs. Certaines régions d'Amérique du Nord ont été soumises à un ralentissement économique et ont vu leurs usines délocalisées vers des pays où les coûts de main-d'œuvre sont moins élevés. L'automatisation et la délocalisation ont modifié de façon permanente les modèles d'affaires des entreprises, réduisant le besoin de main-d'œuvre locale et affaiblissant l'avantage comparatif des entreprises des pays développés. Cependant, dans une certaine mesure, le Québec a pu résister à la tempête, affichant une croissance constante de son secteur manufacturier au cours de la dernière décennie. Le Québec, qui est l'une des provinces canadiennes dont la proportion du produit intérieur brut (PIB) attribuée au secteur manufacturier est la plus élevée, n'a rien à envier aux autres provinces. Le secteur manufacturier québécois génère un quart de toutes les ventes manufacturières au Canada et près de 90 % des exportations totales de la province [a]. Plusieurs facteurs rendent le secteur manufacturier hautement spécialisé du Québec particulièrement résilient, notamment sa diversification industrielle, ses syndicats traditionnellement forts et son développement économique axé sur les petites entreprises.

Diversification

Dans la répartition du PIB du Québec par secteur de 2019, le secteur manufacturier représentait 13,4 % du PIB total du Québec [a], se classant ainsi comme le secteur le plus important, devant l'immobilier, les soins de santé et la construction. Contrairement à certains pays connus pour se spécialiser dans la production d'un type de bien, le Québec produit une grande variété de produits, la majorité étant destinée à l'exportation vers le reste du Canada, les États-Unis ou en dehors de l'Amérique du Nord. Le Québec possède une pléthore de ressources naturelles en raison de ses vastes territoires et de son arrière-pays inexploité. La transformation de ces ressources en produits exportables, notamment le pétrole, le bois et les produits à base de minéraux, représente près du tiers de la production manufacturière totale de la province. Les structures de coûts de ces industries lourdes dépendent de chaînes d'approvisionnement efficaces qui peuvent réduire les coûts de transport. Des coûts plus bas rendent les produits ayant un rapport poids-valeur élevé compétitifs et facilitent le commerce. Les États-Unis sont ceux qui ont le plus à gagner de la performance des industries lourdes, car ils importent la majorité des métaux et une grande partie des produits dérivés du bois fabriqués au Québec. Le fait de pouvoir accéder à un grand marché comme celui des États-Unis, tout proche, a permis à la province d'exporter ses ressources avec facilité.

Le Québec est sans doute devenu une plaque tournante de l'expertise en ingénierie dans les domaines de l'aérospatiale et de la fabrication de produits de transport. La forte concentration de facultés d'ingénierie de classe mondiale dans le Grand Montréal a attiré dans la région des entreprises mondiales qui fabriquent des produits de haute technologie. L'expertise en ingénierie a également attiré de nombreuses autres activités de fabrication dans la province, notamment des usines de transformation chimique, des entreprises de transformation alimentaire et, plus récemment, des fabricants de semi-conducteurs et de composants électroniques.

Syndicats

La négociation collective a une longue histoire au Québec, qui remonte à la fin du XIXe siècle. Les grèves de la Révolution tranquille et la vaste expansion du secteur public dans les années 1960 ont fait en sorte que le Québec a l'un des taux de syndicalisation les plus élevés en Amérique du Nord. C'est encore le cas aujourd'hui, autant pour le secteur public que pour le secteur privé. Plus d'un tiers des travailleurs du secteur manufacturier sont syndiqués au Québec, soit près du double de ceux de l'Ontario.

Les théoriciens de l'économie classique soutiennent que les syndicats ont un effet négatif sur l'économie. Malgré ces idées reçues sur l'économie, l'Institut de recherche socio-économique (IRIS), basé à Montréal, a mené des recherches sur l'impact des syndicats au Québec. Il a constamment constaté que des taux de syndicalisation plus élevés n'ont pas d'impact négatif sur la productivité horaire des travailleurs, l'investissement privé et la croissance économique lorsqu'on compare le Québec aux autres provinces canadiennes. Leurs études sur les effets de la syndicalisation mettent en évidence la complexité de la question, démontrant que la présence de syndicats n'est pas nécessairement synonyme de baisse de la productivité ou des paramètres de croissance. De plus, certains des avantages d'un taux de syndicalisation plus élevé sont indéniables : emplois stables, meilleurs salaires et conditions de travail, réduction des inégalités de revenus à l'échelle de la société et renforcement des lois sur la sécurité. Les syndicats du secteur manufacturier ont permis à la province d'améliorer l'équité sociale sans paralyser l'économie, permettant aux entreprises de prospérer sans compromettre la qualité de vie des travailleurs.

Des petites entreprises innovantes

Au Québec, 92 % des entreprises manufacturières comptent moins de 100 employés [a], ce qui fait que le secteur manufacturier de la province est principalement animé par des petites et moyennes entreprises (PME). Des années d'aides et de subventions accordées aux PME par le gouvernement provincial ont favorisé l'esprit d'entreprise des Québécois. Les petites usines avec peu d'employés ont poussé les entreprises à devenir hautement spécialisées, à servir des industries de niche et à développer des clientèles internationales. Les incitations à devenir entrepreneur au Québec ont également favorisé une culture de l'innovation chez les jeunes ingénieurs désireux de créer une entreprise. La combinaison de la spécialisation et de l'innovation s'est avérée être la recette d'un secteur manufacturier prospère et diversifié.

L'avenir du secteur manufacturier

Dans l'ensemble, le secteur manufacturier du Québec a pu rester résilient grâce à une forte diversification, à une tradition de négociation collective parmi les travailleurs et à la participation des petites entreprises à la fabrication. Les usines modernes ont de plus en plus recours à l'automatisation et à l'innovation axée sur l'industrie 4.0 pour rendre leurs opérations plus efficaces et moins coûteuses. Le secteur manufacturier québécois peut sans aucun doute s'adapter aux changements technologiques qui l'attendent, en mettant à profit ses caractéristiques uniques pour conquérir de nouveaux marchés.

[a] : STIQ (2019) Baromètre industriel québécois, 10e édition.

Inscrivez-vous à l'infolettre Axya

Recevez nos infolettres pour ne rien manquer!